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Nombreux sont les particuliers ou professionnels ayant fait réaliser des travaux dont ils s’aperçoivent vite que la qualité, l’évolution ou le soin n’est pas ce qu’ils attendaient.
Or, lors d’une recherche sur internet afin de déterminer de quoi est responsable l’entrepreneur et pendant combien de temps, on sombre rapidement dans un marécage de différentes notions s’entrecroisant, notamment en raison de la coexistence de différentes garanties ayant des objets et des délais différents.
L’objectif du présent article est donc de vous indiquer clairement ce que vous pouvez demander comme réparations et reprises à votre entrepreneur sans avoir à procéder à un paiement supplémentaire et pendant combien de temps.
Votre entrepreneur est soumis à trois garanties spécifiques au droit de la construction, en plus de la responsabilité contractuelle de droit commun et de son obligation de conseil et d’information.
Ces différentes garanties sont les suivantes :
La garantie de parfait achèvement est prévue par l’article 1792-6 du Code civil et concerne uniquement les désordres signalés par le maître de l’ouvrage (le propriétaire la plupart du temps) par des réserves mentionnées par écrit sur le procès-verbal de réception, ou signalés par écrit postérieurement à la réception dans le cas où ces dommages seraient apparus postérieurement à la réception.
Pour mémoire, la réception est l’acte par lequel vous déclarez accepter les travaux (courrier, texto, procès-verbal de réception, décision de justice ou réception tacite par prise de possession des lieux et paiement de l’intégralité du prix des travaux[1]), avec ou sans réserves.
La garantie de parfait achèvement court pendant un délai d’un an à compter de la réception.
Ceci signifie que votre entrepreneur sera tenu de réparer les désordres apparus postérieurement à la réception que vous lui aurez signalé par écrit dans un délai d’un an à compter de cette réception, pas que les travaux de reprise doivent être terminés dans le délai d’un an (cas où vous lui déclareriez des désordres in extremis).
Elle est soumise à une présomption de responsabilité du professionnel, ce qui signifie que si des désordres apparaissent ce sera à lui de démontrer qu’ils ne proviennent pas d’une mauvaise réalisation des travaux s’il souhaite ne pas être tenu de réparer ou de vous indemniser, et non à vous de démontrer que les désordres sont dus à une mauvaise réalisation des travaux.
La garantie de bon fonctionnement est prévue par l’article 1792-3 du Code civil et concerne les éléments d’équipement qui peuvent être enlevés, démontés ou remplacés sans détériorer l’ouvrage ou lui enlever de la matière (par exemple ballon d’eau chaude, volets, interphone ou cloisons mobiles).
Elle court pendant un délai de deux ans à compter de la réception des travaux.
Cette garantie est elle aussi soumise à une présomption de responsabilité du professionnel, et vous n’aurez donc qu’à lui signifier qu’un des éléments d’équipement ne fonctionne pas.
La garantie décennale est prévue par les articles 1792 à 1792-2 du Code civil.
Elle concerne :
Elle court pendant dix années à compter de la réception des travaux.
Cette garantie est elle aussi soumise à une présomption de responsabilité du professionnel.
La garantie de droit commun est prévue par les articles 1221 et 1231-1 du Code civil.
Elle est de droit commun en ce qu’elle est applicable à toutes les situations contractuelles, et n’est donc pas spécifique à la réalisation de travaux.
A ce titre, elle n’est applicable que dans les situations où les trois garanties précitées ne peuvent être appliquées.
Elle couvre donc les désordres non apparents à la réception (ou apparents mais qui n’ont pas été signalés à l’entrepreneur dans un délai d’un an), qui ne portent atteinte ni à la solidité, ni à la destination de l’ouvrage et qui ne concernent pas des éléments d’équipement pouvant être enlevés, démontés ou remplacés sans détériorer l’ouvrage (par exemple fissures ponctuelles et infiltrations mineures).
Il s’agit d’une responsabilité pour faute, ce qui signifie que ce sera à vous de démontrer en quoi les travaux ont été mal réalisés.
En ce qu’elle dépend des articles 1221 et 1231-1 du Code civil, elle court elle aussi pendant cinq années à compter de la réception des travaux.
L’obligation de conseil et d’information est une création jurisprudentielle qui impose au constructeur ou à l’entrepreneur auquel vous avez recours (ainsi qu’à de nombreux autres professionnels) de vous conseiller quant aux travaux que vous souhaitez faire réaliser, et notamment de vous alerter quant à leur faisabilité et/ou leur solidité et sur leurs potentiels effets sur les travaux ou constructions voisins, de vous conseiller quant au choix des matériaux, et de vous informer des techniques de soin et d’entretien auxquelles vous devrez avoir recours.
La responsabilité de l’entrepreneur pour manquement à son obligation de conseil et d’information relève elle aussi des articles 1221 et 1231-1 du Code civil.
Elle constitue néanmoins une source autonome de responsabilité, de sorte que l’échec d’une action en réparation des désordres de construction ne préjuge aucunement de celui de la demande formée en raison de préjudices subis du fait d’un manquement de l’entrepreneur à son obligation de conseil et d’information[2].
Le régime probatoire d’une action en réparation ou indemnisation d’un préjudice découlant d’un manquement du professionnel à son obligation de conseil et d’information est particulièrement intéressant, puisque c’est le professionnel qui doit démontrer qu’il a bien satisfait à son obligation.
Elle court elle aussi pendant cinq années à compter de la réception des travaux.
Rappelons que toutes ces garanties seront sans effet si votre entrepreneur défaille financièrement et qu’il n’est pas assuré.
Il est donc essentiel que vous obteniez de votre entrepreneur des attestations d’assurance décennale et responsabilité civile (et idéalement de bon fonctionnement, bien qu’elle ne soit pas obligatoire)[3] couvrant les travaux auxquels vous souhaitez faire procéder (nature, date et montant).
[1] Attention donc à ne pas régler le solde des travaux si vous n’en êtes pas satisfait.
[2] Ainsi, le maître de l’ouvrage qui invoque le non-respect de l’obligation de conseil et d’information du constructeur, ne peut se voir valablement opposer l’autorité de la chose jugée lorsqu’il a été débouté de demandes fondées sur les garanties des articles 1792 à 1792-7 du Code civil (Cass. 3e civ., 22 oct. 2002, n° 01-10.871).
[3] La garantie de parfait achèvement n’étant pas assurable, il convient de ne pas signaler les désordres dans le délai d’un an si vous savez que votre entrepreneur a fait faillite et que vous pouvez prouver que ces désordres sont de son fait.