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La vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) consiste à vendre sur plans des bâtiments ou des locaux qui ne sont pas encore édifiés. Le vendeur s’engage à construire l’immeuble et à en transférer la propriété à l’acquéreur[1] et, en contrepartie, celui-ci effectue des versements au fur et à mesure de la construction.
L’acquéreur bénéficie ainsi de conditions financières avantageuses (TVA à 5,5% au lieu de 20% dans les zones éligibles, frais de notaire réduits, exonération de la part communale de la taxe foncière notamment) sur un bien respectant les dernières normes en vigueur (performances thermiques maximales, économies d’énergie, etc.) tout en pouvant personnaliser son bien grâce aux choix offerts par les catalogues d’options du promoteur immobilier.
Pour le vendeur (le promoteur immobilier), cette formule lui permet d’être payé au fur et à mesure de la construction du bien, et donc de réaliser un ensemble immobilier alors qu’il ne dispose pas nécessairement au départ des fonds suffisants, ou du moins de ne pas avoir à faire l’avance des fonds.
L’achat en VEFA présente cela dit un danger important pour les acquéreurs : le risque de la panne financière du vendeur.
En effet, comme les acquéreurs doivent payer l’immeuble au fur et à mesure de l’avancement des travaux, ils risquent de perdre toutes les sommes qu’ils ont investies si le vendeur fait faillite et tombe en liquidation judiciaire pendant la construction. Cette menace est d’autant plus importante qu’il s’agit du secteur du logement et du bâtiment, où le taux de faillites est très important, alors que les sommes investies par les particuliers sont pour eux considérables tout en étant vouées à garantir un besoin essentiel.
De plus, un simple retard dans la livraison du logement va souvent entraîner des frais supplémentaires importants (loyers supplémentaires, garde-meuble…) si ce ne sont des difficultés plus importantes (nécessité de renégocier son bail ou de trouver un nouveau logement) pour les acquéreurs.
Or, de nombreux acquéreurs se heurtent aux retards de chantier et de livraison, souvent accompagnés de l’absence de toute information ou réponse par le vendeur (qui rencontre des difficultés dont le retard est la conséquence, et ne prend alors pas nécessairement le temps de soigner sa relation avec les acquéreurs).Il est donc essentiel d’agir tôt et de vérifier la raison des retards, ainsi que la situation financière du vendeur pour éviter de trop grandes déconfitures.
L’existence d’un délai fait partie de la définition même de la vente d’immeuble sur plan. Le vendeur a intérêt à fixer un délai suffisamment long pour pouvoir mener à bien la construction, mais suffisamment court pour pouvoir percevoir au plus tôt l’intégralité du prix de l’immeuble.
Dans la pratique, ce délai sera plutôt une période qu’une date précise (par exemple « 3ème trimestre de l’année 20XX »).
De plus, les contrats contiennent habituellement une clause de majoration du délai d’achèvement, en cas de survenance d’un certain nombre d’événements (intempéries, grève, indisponibilité de certains matériaux, changement des normes de sécurité…), ainsi que de plus en plus régulièrement une clause de prorogation du délai d’achèvement[2].
Les clauses de majoration du délai sont licites dès lors que la cause d’allongement du délai est décrite de manière précise, que l’allongement lui-même est circonscrit dans des limites strictes, et qu’elles sont conçues de façon raisonnable (accordant par exemple au vendeur une marge d’un ou deux mois de retard.
Les clauses de prorogation du délai, elles, sont licites lorsque les cause légitimes de retard sont appréciées par un tiers au contrat de VEFA (l’architecte ayant la direction des travaux par exemple, le maître d’œuvre s’il n’est pas le vendeur).
A ces clauses il faut enfin ajouter la notion de force majeure, événement imprévisible dont les effets ne peuvent être évités et qui empêche l’exécution de son obligation par le débiteur (ici le vendeur est débiteur de l’obligation de livrer à la date stipulée).
La force majeure est appréciée au regard des compétences d’un professionnel de la construction[3]. Le vendeur doit informer les acquéreurs de la présence de ces clauses, en raison de son d’obligation de renseignement (consistant non pas à fournir des informations, mais à attirer l’attention des acquéreurs sur les points les plus importants parmi la masse d’informations et documents qu’il est obligé de fournir).
Les vendeurs de logements sur plans[4] sont aujourd’hui contraints par la loi à avoir recours à une garantie dite extrinsèque afin de protéger les acquéreurs : la garantie d’achèvement ou la garantie de remboursement.
Chaque vendeur ne souscrit (au choix) qu’à une seule de ces garanties, et il convient de se référer au contrat de vente pour déterminer laquelle.
Si le vendeur a choisi une garantie de remboursement, une caution (banque ou organisme financier) s’est engagée à rembourser aux acquéreurs les versements qu’ils ont effectués en cas de défaut d’achèvement du projet.
Si l’immeuble n’est pas achevé dans le délai déterminé par le contrat (« retard de livraison ») les acquéreurs peuvent demander la résolution du contrat et la mise en jeu de la garantie[5] (c’est-à-dire que les sommes qu’ils ont payées leur soient remboursées par la caution).
Ils peuvent aussi demander la résolution du contrat et leur remboursement si la construction se trouve arrêtée sans perspective de reprise des travaux dans un futur immédiat.
En revanche, lorsque la construction ne connaît que de simples retards (« retard de chantier »), la résolution du contrat (et le remboursement par la caution) ne pourra être demandée que si ceux-ci sont tels qu’il n’apparait pas possible de terminer la construction dans le délai prévu. En tout état de cause, les acquéreurs peuvent avoir intérêt dans de telles situations à signifier au vendeur leur volonté potentielle de mettre fin à la vente et demander leur remboursement, afin de faire reprendre les travaux s’il s’agit d’une simple négligence de la part du vendeur, ou afin que ce-dernier informe les acquéreurs de sa déconfiture financière s’il s’agit de la situation dans laquelle il se trouve.[6]
Si le vendeur a choisi une garantie d’achèvement, un établissement financier ou une compagnie d’assurance s’est engagée à prendre en charge le coût des travaux nécessaires à l’achèvement du projet en cas de défaillance du vendeur[7].
L’engagement du garant par une garantie d’achèvement n’est que financier, et il faut donc pour que cette garantie soit mise en œuvre que le vendeur défaille financièrement.
Cette défaillance ne désigne pas nécessairement la liquidation de la société venderesse, mais aussi les cas où elle ne dispose simplement plus des fonds suffisants pour achever la construction de l’immeuble.
Attention, si la construction ne peut être achevée pour une raison autre que financière, le garant se trouvera néanmoins déchargé de son obligation de faire achever les travaux.
La pratique est néanmoins de rechercher la responsabilité du garant dès qu’il est constaté que les travaux sont ralentis (et a fortiori lorsqu’ils sont arrêtés), souvent tout d’abord par présomption d’insuffisance financière du vendeur, mais aussi parce que la responsabilité du garant peut être retenue s’il s’avère que le retard aurait pu être évité par son intervention qui était justifiée par une défaillance financière sérieuse du vendeur.
L’engagement du garant n’est cependant pas celui du vendeur : l’achèvement au sens de la garantie de la vente en l’état futur est une notion différente de l’achèvement permettant au vendeur de satisfaire à son obligation de livraison.
L’engagement de l’organisme financier n’a en effet pas le même contenu que l’engagement du vendeur au titre de son obligation de délivrance. Non seulement l’engagement du garant ne porte que sur le financement, mais surtout il est limité au financement d’un certain état d’achèvement seulement, en deçà des obligations du vendeur.
La réalisation des ouvrages et équipements qui ne sont pas indispensables, la réparation des malfaçons les affectant qui ne sont pas rédhibitoires, les défauts de conformités qui ne sont pas substantiels et les vices révélés postérieurement à l’achèvement[8] ne sont pas couverts par cette garantie.
Les acquéreurs conservent alors leurs droits et recours contre le vendeur. Néanmoins, s’ils ont cherché à mettre en œuvre la garantie d’achèvement, c’est bien souvent que le vendeur ne sera malheureusement pas en mesure d’assurer les prestations prévues.
Dans une telle situation, il est donc essentiel pour les acquéreurs de consigner le solde du prix devant être payé à la livraison (5 à 15% en fonction du contrat), tel que la loi les y autorise. Ils pourront alors par la suite se retourner contre l’assureur dommages-ouvrage du vendeur afin de faire terminer les travaux.
La jurisprudence condamne les vendeurs à l’indemnisation du préjudice résultant pour les acquéreurs du défaut de délivrance au terme convenu[9].
Ce préjudice inclus généralement :
Par ailleurs, dans le cas où le contrat prévoit une clause pénale, les acquéreurs peuvent obtenir les pénalités prévues au contrat en sus de l’indemnisation de leur préjudice (lorsqu’elles existent en VEFA, ces clauses sont souvent inspirées de celles des contrats de construction de maisons individuelles et prévoient alors une pénalité de 1/3.000ème du prix par jour de retard).
La matière étant compliquée et quelque peu obscure, il est essentiel, tant comme acquéreur que comme promoteur, de se faire assister dès l’établissement du contrat ou dès le premier retard.
[1] Pour les juristes : le transfert des risques ne s’opère néanmoins qu’en une seule fois, à la fin de l’opération, lors de la livraison du bien.
[2] Par exemple : « En raison de la répercussion sur l’organisation générale du chantier, pour toute majoration du délai d’achèvement pour cause légitime, justifiée par le vendeur à l’acquéreur par une lettre du maître d’œuvre, la livraison du bien sera retardée du double du temps de la suspension »
[3] Ainsi par exemple la présence d’une nappe d’eau souterraine, non-décelée lors de l’étude préalable des sols, ne permet pas de retarder légitimement l’achèvement ou la livraison de l’immeuble dès lors qu’elle constitue un évènement prévisible pour celui qui fait construire un bâtiment.
[4] Ce qui exclut la construction sur plans de locaux à usage exclusivement autre que celui d’habitation, qui relève de règles différentes.
[5] Pour les juristes : l’indication d’un délai déterminé de livraison étant d’après la jurisprudence un élément constitutif essentiel du contrat de vente d’immeuble à construire à usage de logement ou usage mixte.
[6] En la matière, agir tôt évite bien des problèmes.
[7] Attention : la garantie ne concerne que les travaux restant à exécuter, et ne pourra ainsi par exemple pas servir à régler aux entreprises des travaux déjà réalisés qui n’ont pas encore été payés.
[8] Pour les juristes : l’achèvement étant justement le terme de cette garantie
[9] Se fondant sur l’article 1611 du Code civil
[10] Les intérêts intercalaires sont ceux dus entre le premier versement effectué par la banque et le déblocage complet des fonds (le prix d’achat étant pour rappel payé en plusieurs fois)